© Yannick Ribrioux

Chapelle de Linière

La chapelle de Linière se situe sur les hauteurs de Mareuil-sur-Cher (Loir-et-Cher), à 5 km au sud du bourg. Aujourd'hui au milieu d'un taillis, il ne fait aucun doute qu'à l'époque de sa construction où tout ce secteur stratégique, à la limite de la Touraine et du Berry, devait être dégagé de ses bois actuels, la chapelle pouvait être vue de très loin.
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Son architecture rappelle le style de transition des églises du XIIIe siècle, mais il n'est pas impossible que les premiers murs datent du XIIe siècle, et peut-être même avant, comme en témoigne la découverte, dans l'ancien chœur, des monnaies de Giens, de Vendôme ou d'Etienne Ier de Guingamp (1093-1138).
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Ces deniers d'origines très diverses prouvent que la chapelle était bien sur une voie de passage : sa localisation et les quelques éléments d'histoire en notre possession en font probablement une halte pour les voyageurs sur les chemins secondaires de la route de St-Jacques de Compostelle.
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  On ne sait pas à partir de quelle date la chapelle et ses bâtiments annexes furent rattachés à la Commanderie de Ballan (Indre-et-Loire), ancienne Commanderie Templière fondée avant 1219 et attribuée à l'Ordre de St-Jean de Jérusalem en 1312 (voir encadré) ; son appartenance à Ballan est signalée dans un texte datant de 1450, ce qui n'exclut pas un rattachement plus ancien qui rend, alors, une origine Templière de Linière tout à fait plausible.
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  L'Hôpital de Linière est déjà cité dans un acte daté de 1376, mais c'est en 1450 que, pour la première fois, une description en cinq pages fait état d'une maison, de vignes, d'un jardin, de terres et d'une mare. Les registres terriers de 1620 et 1648 signalent que la seigneurie de Linière, dépendant de la Commanderie de Ballan, comprend une chapelle fondée en l'honneur de Ste Marie-Madeleine ; suit un inventaire détaillé de l'ensemble des édifices de l'exploitation agricole rattachée à la chapelle.
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Dès le XIVe ou XVe siècle, le pignon occidental a tendance à basculer ce qui lui vaut le renforcement des contreforts d'origine, épais de 30 cm, par deux nouveaux contreforts de 160 cm d'épaisseur ; mais le bâtiment est déjà bien fragilisé.

Après la période bénéfique du Moyen Age, les temps deviennent plus difficiles pour les Hospitaliers à partir du XVIe siècle.
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En 1620, le dernier moine quitte Linière. L'exploitation est affermée et le fermier, Michel Bourdier, n'a d'autres soucis que de conserver ses locaux d'habitation vivables. En 1642 il menace de quitter les lieux et engage des travaux sans l'accord du Commandeur, ce qui lui vaut un procès. A cette époque, le choeur de la chapelle est à moitié en ruine mais les deux voûtes de la nef sont encore en place.
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Ces deux voûtes, sans doute de type angevin, s'écroulent quelques années plus tard, entraînant dans leur chute la destruction du choeur et du mur septentrional. C'est du reste dans cette période que le jeune François-Marie des Bans sera reçu dans l'Ordre de St-Jean de Jérusalem. Le service divin cesse alors vers 1669. Toutefois, en 1679, le Commandeur de Ballan demande un état des lieux en vue d'une éventuelle réhabilitation. Ce document décrit dans le détail l'état de délabrement de la totalité des bâtiments. De rares traces de peinture subsistent aujourd'hui.
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Pourtant la décision d'effectuer des rénovations est prise : l'abside de la chapelle est simplement remplacée par un mur droit adossé au mur méridional ; le mur septentrional est reconstruit en retrait de l'ancien mur et nécessite un énorme contrefort pour le retenir ; le mur méridional est abaissé et la toiture, plus pentue, laisse la charpente apparente à l'intérieur de la chapelle.
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Ainsi, dès 1685, la plupart des réparations sont achevées et, à partir de 1701, les messes peuvent être célébrées une fois par semaine par les Frères Capucins de St-Aignan. Une carte élaborée en 1690 pour Mlle de Beauvillier indique que Linière servait aussi de maladrerie.
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  Au milieu du XVIIIe siècle, la ferme compte quelques 110 ha de terres, prés, forêts, ouches et vergers. En 1793, la propriété est vendue en tant que bien national. La chapelle perd alors sa vocation religieuse et est transformée en grange.
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Le cadastre napoléonien de 1833 permet de se faire une idée de l'ensemble des bâtiments de l'exploitation. Jusqu'au début du XXe siècle, Linière appartient à la famille Gerberon, descendante de la famille Manchet, anciens fermiers de la Commanderie avant la Révolution.
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En 1921, la famille Bodin, nouvelle propriétaire, fait abattre les bâtiments de ferme qu'elle vend en matériaux de construction pour ne garder que la chapelle utilisée, pour quelques temps encore, en local d'habitation.
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Après plus de 70 ans d'abandon, la chapelle est aujourd'hui propriété de Monsieur Jean-Claude Clément qui s'attache à sa préservation. Dégagé des broussailles et mis hors d'eau en 1996, un des derniers "membres" de la Commanderie de Ballan fut, ainsi, certainement sauvé des fouilles sauvages et d'une ruine irrémédiable.
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